Comment les designers de mode iraniens peuvent-ils attirer l’attention du monde ?

L’Iran est un pays de
complexité, un pays de contradiction, un pays changeant, dynamique,
jeune. Aujourd’hui, c’est un pays où ses designers souhaitent s’affirmer
et devenir les acteurs reconnus de la mode. Comment l’Iran, avec une
expérience pauvre en design de mode, peut-il attirer l’attention du
monde ? Existe-t-il un avenir en Iran pour l’industrie de la mode ?
Est-ce-qu’à travers son histoire, ses savoir-faire et ses richesses en
matières premières, l’Iran peut devenir un pays avec une forte création
vestimentaire ?
Reza Nadimi et Ariga Torosian
sont deux stylistes. Reza est d’origine iranienne, et Ariga est
irano-américain. Après ses études en stylisme, Reza décide de retourner
en Iran où il trouve sa source d’inspiration pour créer sa propre marque
de vêtements. À l’occasion de la Fashion week à Paris, qui se terminait
ce mardi 3 octobre 2017, Reza et Ariga ont présenté leurs collections.
L’occasion d’aller à leur rencontre pour comprendre leurs démarches à la
fois artistiques et commerciales.
« Quand j’ai fini mes études
en stylisme je suis rentré en Iran pour travailler car c’est plus
facile, raconte Reza. J’ai la chance d’avoir des sources en Iran
auxquelles tout le monde n’aura pas accès. »
LP : Pourquoi l’Iran t’inspire davantage ?
Reza
: C’est la culture de l’est qui m’inspire. Après la Révolution, puis la
guerre en Iran, nous n’avons pas connu les films ou les séries
télévisées américaines et européens mais plutôt japonais ceux qui
venaient du Moyen-Orient. J’ai senti la nécessité de rentrer en Iran car
nous n’avons pas beaucoup de créations vestimentaires avant-gardistes
en Iran. Au contraire de la mode, le domaine artistique d’Iran a
beaucoup de choses a dire aujourd’hui.
LP : Comment vois-tu la présence de la mode en Europe ?
Reza
: Ici, quand on parle d’Iran, nous pensons à des éléments ethniques
tandis que l’Iran a aussi des créateurs avant-gardistes et modernes.
–
En Iran, pour correspondre aux codes vestimentaires du pays, il y a
différentes façons de réaliser une collection contemporaine. Il existe
le style ethnique ou ceux qui sont construits indépendamment de
l’ethnicité. En Europe, nous connaissons surtout le premier genre. Les
vêtements « Made in Iran » peuvent être loin de l’ethnicité. La majorité
d’entre eux ont une qualité supérieure et le marché propose des tissus
iraniens et d’autres pays à un prix intéressant. Reza et Ariga
préfèrent, quant à eux, d’acheter leurs tissus en Iran.
Reza
: Les matières premières sont beaucoup plus accessibles. Il existe les
tissus indiens mais aussi de la très bonne soie ou du coton.
Ariga
: Comme il y a une grande offre, je me procure en tissu là-bas. La
qualité est bonne et je suis satisfaite, mais pour la production, j’ai
mon atelier en Arménie et je produis là-bas.
– Le marché de la mode reste fermé vers l’extérieur. En revanche,
les importations sont simplifiées pour les produits européens. La
création vestimentaire est réservée aux femmes qui ont besoin à la fois
de vêtements extérieurs et intérieurs. C’est donc un grand marché pour
les habits qui sont compatibles aux codes vestimentaires du pays. Les
clientèles de Reza et d’Arigar sont assez ciblées à l’intérieur du pays.
Il s’agit des Iraniens qui aiment porter légèrement moins ethnique
voire pas du tout. À l’extérieur, le marché est très ouvert avec les
clients non-français, car il existe peu de clients français. Les
Européens aiment les vêtements ethniques et sont surpris de voir des
collections plus personnelles.
Reza : Les
acheteurs intéressés par mon travail sont plutôt les Libanais, les
Russes et les Italiens ; en Iran, ce sont les artistes ou les
architectes.
Ariga : Je peux dire que mon marché principal
n’est pas l’Iran, car j’ai ma clientèle aux États-Unis et en Arménie.
Chaque collection est un concept mais je travaille avec mes propres
standards et ma manière de pensée. J’aimerais qu’en voyant mon travail,
on voit ma personne. Ce n’est pas séparé de moi. Je ne vais pas vers le
concept, je ramène le concept vers moi-même. Ma cible principale n’est
pas qu’Iran, j’essaye de penser d’une manière plus globale, créer pour
un marché mondial.
– Ces derniers temps, la scène de la mode en Iran a beaucoup
changé grâce aux différentes manifestations comme l’ouverture des
universités de mode ou encore la Fashion week qui est un élément nouveau
mais très limité. Ce n’est pas complètement accepté par le gouvernement
iranien qu’un événement de ce genre réunisse à son rythme les designers
du pays.
Malgré cela, Reza y présente sa collection. La mode est
encore inconnue en Iran sous ses aspects sociologiques, ethnologiques,
artistiques ou commerciaux. Les designers et artistes iraniens font
connaître leur créativité à travers d’autres domaines artistiques tels
que le cinéma (le plus reconnu à l’étranger). Les designers proposent
des vêtements « Made in Iran » aux célébrités iraniennes lorsque
celles-ci participent aux grandes manifestations à l’étranger comme des
festivals. C’est un moyen de communiquer à l’étranger l’aspect créatif
de l’Iran, de faire découvrir aux autres l’Iran sous un aspect récent et
exceptionnel.
Reza : C’est une belle collaboration entre le
cinéma et la mode, surtout avec le participation du pays dans plusieurs
festivals comme Cannes, Berlin ou même la cérémonie des Oscars. On peut
montrer d’autres aspects artistiques. Aujourd’hui le secteur est en
progression en Iran. La mobilisation est lente mais est en train de
progresser.
Pour réécouter notre podcast complet consacré à la mode, c’est ici
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